Edito Avril 2016
Chers amis,
Mon sang n’a fait qu’un tour quand j’ai découvert ce spot promotionnel sur les réseaux sociaux. « Le silence est l’ennemi. Montez le son. » Vous avez bien entendu. Voilà la dernière trouvaille de deux célèbres sociétés américaines pour nous sauver de nos mutismes coupables. L’un des protagonistes de cette mauvaise fable publicitaire l’assène sans ambages : « Je n’aime pas le silence dans une maison, c’est glauque. » Rassurez-vous : nos spécialistes ès plénitude ont concocté un tout nouveau système audio, capable de diffuser des milliers de chansons pour le bonheur de toute la maisonnée. Moi-même guitariste depuis l’enfance, imbibé de folk jusqu’au bout des cheveux, je sais combien la voix des autres peut aider à vivre, combien les vibrations d’un disque nous rapprochent de l’ineffable. De là à proférer que « le silence est l’ennemi », il y a tout de même un gouffre. Au siècle passé, le trompettiste Miles Davis estimait, lui, que le silence était la vraie musique, que toutes les notes jouées ne font qu’encadrer ce silence. Les moines, eux, font l’expérience féconde de l’oraison qui, loin de nous emmurer, attise notre présence au monde. Dans l’Évangile, Jésus lui-même se retire souvent à l’écart, pour prier. Ennemi, le silence ? N’est-il pas au contraire ce vieil ami dont nous aurions tant besoin pour nous retrouver ? L’heure est à la véhémence. Au vacarme. À la violence aveugle… Alors, ne le fuyons pas, ce silence. Goûtons-le. Cherchons-le. Comme l’espace de l’attente, du lâcher-prise, de l’émerveillement. Au bout du silence, il y a toujours un visage, une présence, une rencontre. « Dans le silence seul, la vérité de chacun se noue et prend racine », disait un autre passager du vent, Saint-Exupéry, qui savait de quoi il causait. Bon, je n’ai que trop parlé. Je me tais!
François-Xavier Maigre
Rédacteur en chef de Panorama
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