Edito Février 2016
Chers amis,
Certaines brèves de parvis valent leur pesant d’or. Je me souviens de ce compère qui m’avait fait hurler de rire en sortant de la messe des Cendres. « Alors, tu as choisi ton effort de Carême ? » l’avais-je interpellé, en raillant gentiment sa dévotion pour les nourritures terrestres, lui qui passait pour un épicurien notoire. « Bien sûr, s’était-il rebiffé, j’ai décidé de m’abstenir d’utiliser tout engin motorisé : un jeûne automobile, si tu préfères. » Je fis un bond : « Mais tu n’as pas le permis de conduire ! » En voilà un pour qui ces 40 jours de conversion démarraient fort. La boutade de cet ami éclaire, non sans drôlerie, nos difficultés à nous déprendre de nos attaches pour laisser croître en nous le désir de Dieu. Hasard du calendrier littéraire, je ne lâche plus L’Homme qui fuyait le Nobel,l’excellent roman que vient de publier Patrick Tudoret chez Grasset. Ce livre éloquent campe l’itinéraire d’un écrivain qui s’embarque un peu malgré lui sur le chemin de Compostelle afin de se soustraire aux honneurs qu’on lui réserve. Désabusé par la perte de celle qu’il aime, notre homme retrouvera peu à peu le goût de vivre en s’inspirant de l’errance mystique chère à la littérature slave. Ce texte m’a ému. Il souligne que le renoncement n’a rien d’une mort. Au contraire, c’est un risque à courir. Pour renaître à soi-même. Et pour renaître aux autres. Comme le suggère le discret héros de cette fable,la question première n’est pas tant desavoir s’il y a une vie après la mort que de savoir s’il y a une vie avant la mort. Voilà le Carême que je vous souhaite : une route toute simple au creux de l’hiver, peuplée
de lueurs et de visages.
François-Xavier Maigre
Rédacteur en chef de Panorama
francois-xavier.maigre@bayard-presse.com
twitter @FxMaigre