La force du roseau

Qu’est-ce qu’une vie normale, chers lecteurs? Regardez celle d’Hubert de Boisredon, chef d’entreprise, aujourd’hui à la tête de l’entreprise industrielle Armor. En racontant le parcours qui l’a mené à diriger cette boîte nantaise, il souligne que rien ne se serait passé aussi bien sans les « accidents de parcours » qui ont émaillé son chemin. Il évoque notamment un licenciement difficile. Autre itinéraire, celui d’Anne Moreau, trentenaire pleine de peps, spécialiste de nutrition, diplômée de plusieurs écoles prestigieuses. Elle reconnaît devoir sa conversion «aux personnes en galère qui l’ont rapprochée du Christ». Et c’est en pensant aux plus fragiles qu’elle a trouvé sa vocation.
Nos vies ne sont-elles pas toutes faites d’accidents? La vulnérabilité n’est-elle pas si présente dans notre société qu’elle ne doit plus être considérée comme une erreur de parcours mais comme la norme? Une norme bienheureuse puisque cette «capacité à être blessé» nous conduit à déposer nos armures pour mieux rencontrer l’autre et nouer des liens indispensables à la construction de la vie collective. Elle peut donc même être source de richesse. Il semblerait donc judicieux, voire urgent, que nous apprenions à accepter la vulnérabilité et à l’intégrer vraiment dans chacune de nos vies.
Intéressant de se le redire au cœur du Carême. D’ailleurs, nous revisitons pour vous, ce mois-ci, une expérience de vulnérabilité vieille comme le monde : rester le ventre et les mains vides pendant plusieurs heures, pour partager la douleur de l’autre, espérer et prier à ses côtés. Bon jeûne!

Marie-Christine Vidal, rédactrice en chef de Panorama